Elle aurait 90 ans : pour l’occasion, on vous fait passer une matinée entière à Radio Cité

Lancée le 15 septembre 1935, Radio-Cité est née du rachat de Radio-LL par Marcel Bleustein (photo ci-contre), le directeur de Publicis. Elle installe ses locaux boulevard Haussmann à Paris et adopte un ton moderne, décontracté, loin de la rigueur institutionnelle des autres radios de l’époque.

Radio Cité à Paris

Pionnière en matière de variété et de formats populaires, elle propose notamment : le Crochet radiophonique, une émission de talents amateurs dans des salles comme la salle Pleyel, des formats courts et vivants comme La minute du bon sens de Saint-Granier et la célèbre Famille Duraton (ou Autour de la table) dès 1936, reprise ensuite sur Radio-Luxembourg jusqu’en 1966.

Radio-Cité se distingue aussi en matière d’actualité : elle diffuse par exemple le discours historique du chancelier autrichien Schuschnigg en 1938. Auto-proclamée « poste le plus écouté » et, dès fin 1938, « le poste que l’on ne quitte plus », Radio-Cité est une vraie ruche où l’on croise le Tout-Paris. Faisons revivre une matinée du poste comme celle du lundi 16 mai 1938 avec l’effervescence dans les couloirs. la concentration dans les studios, et ce lien direct avec les auditeurs par le courrier et les émissions interactives.

6 h – Le réveil de la station

À l’aube, le 1, boulevard Haussmann à Paris est encore calme. Dans le hall, la femme de ménage termine de passer la serpillière quand arrivent quatre personnes : le rédacteur, chargé des premiers bulletins d’information, le speaker, qui va donner le ton de la journée, l’opérateur et le régisseur, les hommes de l’ombre qui font tourner la technique.

Les deux techniciens vérifient un à un les disques publicitaires qui passeront dans la matinée. Dans la cabine, le speaker installe son micro, prépare le fameux gong qui donnera le signal du début d’antenne. On téléphone au centre émetteur d’Argenteuil : tout est en ordre.

6 h 45 – Les premières notes

La radio s’éveille avec quelques disques de musique : Sélection de Naples au baiser de feu par l’orchestre Pierrot.

À la rédaction, Pierre Crénesse trie les dépêches tombées dans la nuit. Son téléphone sonne : il est temps de descendre au studio.
À 6 h 50 précises, il lit les premières informations du jour. Au même moment, Pierre Grimod arrive, un journal sous le bras : il s’enferme dans son bureau pour préparer la revue de presse.

7 h – Les rendez-vous du matin

7h05. L’orchestre musette Norbert Huard (enregistrement)

Puis la matinale déroule ses rendez-vous immuables.

7h30. Pierre Grimod lit sa revue de presse

7h45.  Les courses de chevaux et de lévriers, par René Bierre.

7h55. Horoscope quotidien du Père Balthazar qui révèle avec malice ce que les astres réservent aux auditeurs. Météo. La minute de bébé présentée par Liane Berger, patronnée par Nestlé et diffusée sur plusieurs radio privées hors Paris.

8h03. Le Quart d’heure des auditrices animé par Jean-Baptiste Evrard, qui répond avec bonne humeur au courrier des auditrices.

8h25. Tuyaux sur la mode, des conseils pratiques par Mlle Toutmain. Il s’agit d’un pseudo. A l’époque Toutmain est une maison de haute couture des Champs-Elysées.

8h30. La Voix de Paris. Informations.

8h45. Radio-Cité Service. Votre chanteur préféré : Guy Berry, Mireille, Bonjour l’amour, Fami cosi Fami cosa. Le bulletin des Halles et le menu quotidien par Marcel Coulpier. Il entre en scène pour guider les ménagères dans leurs achats du jour. Son rire bon enfant et ses plaisanteries font partie de la routine matinale.

La ruche s’anime

Les ascenseurs déversent alors des vagues de dactylos : les talons claquent sur le carrelage, les machines à écrire commencent à crépiter. Les couloirs se remplissent de papiers, de bruits de pas et de conversations à voix basse.

Radio Cité Paris

Dans une salle close, commence la conférence de rédaction de La Voix de Paris (photo ci-dessous). Autour de la table : Jean Guignebert, le chef de rédaction, pipe en bouche, blague à portée de lèvres, L.R. Dauven, jamais avare d’un bon mot, Fred Poulin, philosophe et optimiste, Lucienne Simmer, impassible et concentrée, Pierrette Leconte, toujours en mouvement, prête à débattre.

Les téléphones sonnent sans relâche, des visiteurs passent, des décisions sont prises et consignées par une dactylo à l’écriture rapide. C’est un moment intense : il faut décider du ton et du contenu de la journée.

Le bureau 304 – Le lien avec les auditeurs

Au troisième étage, dans le bureau 304, M. Granger accueille chaque matin deux ou trois énormes sacs de lettres apportés par un facteur spécial. Petit de taille mais grand de cœur, moustache fière, il se met aussitôt à l’ouvrage : pendant plusieurs heures, il trie le courrier, sans se laisser intimider par son volume.
Ce sont des compliments, des critiques, des questions parfois indiscrètes, des confidences souvent touchantes. Certaines lettres racontent des drames personnels : les auditeurs considèrent Radio Cité comme une alliée, une confidente. Il arrive en moyenne 25000 lettres ou cartes chaque semaine et la station fait appel à ses auditeurs pour aider à dépouiller cet abondant courrier.

Ce bureau 304, c’est aussi le siège de l’Association des auditeurs et petits-amis de Radio-Cité qui propose des places privilégiées, des voyages, des galas…

9 h – Place à la musique

9h. Disques d’Annette Lajon : Johnny Palmer, C’est dans un caboulot, Oubliez-moi, Le bateau dont je rêve.

9h15.  Scènes Alsaciennes de Massenet par l’orchestre Symphonique de Londres sous la direction de Piero Coppola.
9h30. Mélodies napolitaines par Gigli.

9h45. Le compositeur et musicologue Georges Migot (photo ci-contre) avec sa voix grave prend la parole pour son émission de musique classique La Musique vous parle. Cette émission est déjà enregistrée.

10h45. Chronique de la Voix de Paris par Jean Dauven : les joies du plein-air.

11h. Disque : Evergreen Medley par Billy Reid et son orchestre d’accordéons.

11h15. Au micro : Germaine Corney chante.
11h30. Disques de Gino Bordin et sa guitare magique: Mélodie d’Hawaï, Rendez-moi mes montagnes, Dans l’ombre près de vous, J’ai mis mon cœur dans ces roses, Le mur de ton jardin.
11h40. Causerie coloniale.
11h50. Présentation de quelques nouveautés.

Dans les coulisses du studio

Derrière les portes marquées « Défense d’entrer », on enregistre. Le studio, capitonné de rideaux épais, résonne d’un silence particulier. Au milieu se dresse « la girafe », ce long bras articulé terminé par un micro suspendu et une petite lampe rouge.
Quand la lampe s’allume, tout le monde se tait : le moindre froissement de papier pourrait être capté.

Le directeur de production s’approche, compte à rebours : « Prêt ? Cinq, quatre, trois, deux, un, zéro. » L’opérateur abaisse le graveur sur le disque. Si l’enregistrement n’est pas parfait, on recommence, encore et encore, jusqu’à obtenir la version irréprochable. Parfois, il faut trois quarts d’heure pour un simple message publicitaire de trente secondes !

Midi, le retour de l’info

12h. Pronostics des courses.
12h15. Match-Magazine, des infos sportives présentées par René Lehmann et Pierre Crénesse.
12h20. La minute de l’Intran. Une émission d’actualité préenregistrée par le quotidien l’Intransigeant, diffusée initialement par le Poste parisien et rediffusée par d’autres stations comme Radio Normandie, Radio Côte d’Azur ou Radio Alger.
12h30. Voix de Paris Radio-actualités.
12h40. Disques : pot-pourris de valses d’Irving Berlin et de chansons sur les poupées, par Dave Kaye et Ivor Moreton à deux pianos.

13h – Le feuilleton des Duraton

Quand résonnent les voix de la Famille Duraton, tout le monde connaît l’heure : il est treize heures. Dans toute la France, les pendules se calent sur leurs dialogues. C’est une série radiophonique humoristique, un peu comme un feuilleton. Elle raconte les aventures des Duraton, une famille française moyenne avec ses petites histoires du quotidien. Cette émission qui, ici à ses débuts, s’appelle Autour de la table, a un ton léger, amusant, et très accessible, ce qui la rend populaire auprès d’un large public. Les comédiens Jean Granier, Jean-Jacques Vital, Yvonne Galli et Lise Elina font rire et sourire des milliers de familles à l’heure du déjeuner.

13h15. Paris-Spectacles.
13h20. Disque : Un soir avec Liszt par l’orchestre Marek Weber.

13h30 – Les disques des auditeurs

Chaque jour, un auditeur invité apporte ses propres disques et les présente à l’antenne. C’est un moment privilégié : la radio devient l’affaire de tous.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.