Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’armée allemande a créé des stations de radios spécialement destinées à leurs soldats. La plus connue de ces soldatensenders est assurément celle de Belgrade, très puissante et célèbre pour avoir été la première à diffuser Lily Marleen, la chanson qui deviendra un tube chez les combattants des forces de l’Axe mais aussi des Alliés. En France, une heure pour le soldat allemand a été diffusée dès l’automne 1940 par Radio Paris (17h30-18h30), la station crée par les services de propagande du Reich depuis les studios du Poste Parisien. Une initiative du major Schmidtk, chef de la Propaganda Abteilung Frankreich, car les radios allemandes n’étaient pas faciles à capter.
Une émanation de Radio-Paris
Ce programme a été lancé par le Docteur Alfred Böhfinger, directeur de Radio Paris, aidé du Sonderführers Stauder. Puis il a pris de l’ampleur pour occuper chaque jour de 9 à 21 heures, l’un des émetteurs qui diffusait Radio Paris, à savoir l’ancien émetteur de Radio-Cité (280.9 mètres – 1068 kc). Cet équipement a pu redémarrer très vite suite à la collaboration d’une partie de l’équipe technique de la station comme le souligne son fondateur Marcel Bleustein-Blanchet dans ses mémoires Les Ondes de la liberté : « Quant à nos installations, elles avaient été livrées aux Allemands par deux techniciens. L’un à qui nous avions confié le soin de mettre à l’abri le précieux quartz sans lequel il était impossible d’émettre, véritable coeur technologique de Radio-Cité, était venu le leur apporter sur un plateau. L’autre, ingénieur de la station, les avait aidés à remettre le câble en état.«
Alois, un nom qui rappelle Allouis
Les radios de soldats allemandes étaient souvent nommée par un prénom (Martha et Gustav en Pologne et Ukraine, Tatiana en Silésie, Sigfried en Russie…) celle de Paris sera Alois. Ce prénom masculin germanique ressemble à Allouis, le nom de la localité près de Bourges où se trouve le poste ondes longues (1648 m – 183 kc) qui couvre la quasi totalité de la France et qui était avant le 14 juin 1940 le diffuseur du vrai Radio Paris -Poste National.
L’émetteur d’Allouis, après avoir un premier temps diffusé le Radio Paris créé par les nazis jusqu’à fin septembre 1940, diffuse ensuite le Reichprogramm de la radio allemande. Ce qui fait qu’en ondes longues, on trouve les deux stations nationales allemandes, Deutschlansender sur 191 khz et le Reichprogramm sur 182 khz-1648 m. Mais c’est un Reichprogramm interrompu l’après-midi par des programmes en espagnol. D’où peut-être l’intérêt de l’avoir relayé sur Paris via l’ex-émetteur de Radio-Cité.
Un chien qui aboie pour indicatif
Le Soldatensender Alois se contente de relayer la radio du Reich mais il est surtout écoutée par la troupe pour son émission de dédicaces le soir (Stunde des Soldaten, l’heure du soldat) qui permet de mettre en relation les soldats et leurs familles en ces temps où les communications sont difficiles. Cette émission est réalisée par des soldats dans un studio de Radio-Paris. Elle démarre par un roulement de tambour et des aboiements d’un chien. Si l’on en croit la presse allemande de l’époque, Alois aurait reçu un abondant courrier, jusqu’à 1200 lettres par jour.
Un exemple de programme
On constate que le programme consiste en un simple relais du Reichprogramm des Grostdeutschen Rundfunks (Radio de la Grande Allemagne), sauf de 10 à 12 heures pour la pause quotidienne des émissions de Radio-Paris ainsi qu’à partir de 20h15 où est diffusé le programme d’Alois pour les troupes allemandes qui occupent la zone nord.
9h00 Informations suivies de musique de la radio de Hambourg.
10h00-12h00 Arrêt des émissions.
12h00 Concert de midi depuis Berlin suivi des informations.
14h00 Informations.
14h15 relais d’Italie, concert germano-italien.
14h45 Musique, relais de Berlin.
15h00 Communiqué du Haut Commandement de la Wehrmacht suivi de musique depuis Berlin.
15h45 Pot-pourri musical.
16h00 Concert de divertissement par la station de Francfort-sur-le-Main.
17h00 Informations suivies du programme parlé de Berlin.
17h25 Fin de journée musicale, relais de la station de Stuttgart.
18h00 Belle patrie, belles chansons, relais de la station de Sarrebruck.
18h27 Le poème du jour.
18h30-19h00 Musique d’ambiance.
19h00 Rapport du front.
19h30 Explications sur le communiqué de la Wehrmacht.
20h00 Informations.
20h15-21h00 L’heure du soldat.
Pas facile de savoir quand cette diffusion sur l’ancienne longueur d’ondes de Radio Cité cesse. On sait cependant que l’émetteur d’Argenteuil est utilisé à partir de juillet 1942 pour relayer La Voix du Reich, la nouvelle appellation des programmes en français de la radio allemande. L’ex-antenne de Radio-Cité diffusera de nouveau Radio Paris à partir de mi-décembre 1943.
Quant à Allouis, il relaie de nouveau Radio-Paris en mars 1942 mais les antennes sont dynamitées deux mois plus tard par un commando français parachuté d’Angleterre. Un an après, c’est le Deutsche Europasender West (un programme en plusieurs langues) qui émet sur 1648 mètres et qui laisse la place en mars 1944 à La Voix du Reich.
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