Radio Quercy, l’incroyable poste clandestin du maquis du Lot caché dans un château

A partir de 1943, un maquis se développe dans le département du Lot à l’initiative des Francs Tireurs et Partisans Français, un mouvement de résistance communiste. Au printemps 1944, l’un de ses membres, instituteur et radioamateur, fournit un émetteur car le réseau a l’intention de monter une station. Le débarquement de Normandie retarde le projet car les maquisards ont alors d’autres priorités dont les actions de sabotage.

Ce poste clandestin qui devait démarrer début juin sera lancé un mois plus tard. On en connaît les détails grâce au témoignage précieux qu’a confié après-guerre à l’hebdomadaire Radio 45, Francis Crémieux, désigné responsable de cette station par Jean Cassou, nommé après le débarquement commissaire de la République de la région de Toulouse par le Gouvernement provisoire du Général De Gaulle.

Dans une voiture puis dans une tour médiévale

Dans un premier temps, Radio Quercy est mobile. Elle est installée dans une traction avant Citroën. Mais les premiers essais sont décevants et il faut à chaque monter et démonter l’antenne. Mais la vicomtesse Annie de Coheix met à la disposition des FTP son château de Saint-Laurent-les-Tours, près de Saint-Céré. Cette forteresse médiévale est située sur les hauteurs et flanquée de deux tours, parfait pour servir de pylône d’antenne. En plus d’être un dépôt d’armes, elle devient donc le siège de Radio Quercy.

Le studio le plus rustique au monde

Mais qui dit château ne dit pas forcément confort. « Au début, nos émissions se faisaient avec un micro composé d’un support de glace, d’un appareil téléphonique modèle 1910 et d’un élastique provenant d’une caissette de fraises. Nous accédions à ce qu’il faut bien appeler le studio par une sorte d’échelle mal équilibrée, témoigne Francis Crémieux.

Radio Quercy

Nous étions dans l’une des tours à une hauteur de dix mètres dans une atmosphère digne du cabinet du docteur Caligari. Deux petites lucarnes dans carreaux laissaient passer le vent. Un verre cassé suspendu à une ficelle nous servait de gong et le vent, quand il soufflait et que n’y prenions pas garde, nous l’envoyait sur le nez en pleine émission. Les jours d’orage, d’immenses étincelles se formaient sur le support d’antenne qui se décrochait souvent (…) Parfois le courant manquait. Nous avions un petit groupe électrogène mais le moteur faisait tant de bruit qu’il couvrait complètement nos voix. »

Au micro de Radio Quercy

Radio Quercy dispose d’une émetteur d’un kilowatt qui diffuse sur 36 mètres de longueur d’ondes et une bourrée locale sert d’indicatif. « Radio Quercy émettait deux fois par jour, un concert de disques d’abord vers 18 heures et à 22 heures un bulletin d’information (pour ne pas concurrencer Londres), se souvient Francis Crémieux » (…) « Nous avons fait venir à notre micro des Américains et des Anglais appartenant aux équipes parachutées dans le maquis » (…)

« Nous faisions chanter les chansons des maquis du Lot par leurs auteurs. Nous interviewions les notabilités du ravitaillement et de la police. Nous lisions aussi beaucoup de poèmes – ceux d’Aragon avaient un grand succès – et des contes folkloriques. André Chamson nous donna ses premières chroniques et nous lisions des passages du Puits du miracle qui était encore manuscrit. Jean Marcenac, actuellement rédacteur en chef du Patriote de Lyon, venait lire lui-même ses poèmes. Jacques Billiet à qui nous devons l’exposition des Crimes hitlériens, lisait les poèmes d’Aragon. Jean Lurçat (qui deviendra plus tard propriétaire du château), René Huygues et d’autres nous envoyaient des textes inédits.« 

Un dramatique accident

Des reportages sont réalisés comme le 18 août à Brive et le 19 à Cahors dans la foulée de la libération de ces deux villes. La radio diffuse tous les jours, sauf durant 48 heures suite à un accident le 3 août. La voiture d’un groupe de maquisard, transportant des armes et qui roule à vive allure pour éviter l’armée allemande fait une sortie de route. Trois résistants décèdent dont deux faisaient partie de l’équipe de Radio Quercy (Lacombe et Baland). Annie de Coheix (photo ci-contre) est sérieusement blessée et Pierre Bordes, technicien de la station, est atteint à la tête. Néanmoins, ils reprendront l’antenne.

Du Quercy à Toulouse

A la fin du mois d’août, un nouveau matériel doit accroître la puissance de Radio Quercy mais suite à la libération de Toulouse, le poste de Toulouse-Pyrénées est remis en service et Francis Crémieux et son équipe mettent le cap sur la ville rose pour mettre en place les programmes. Radio Quercy cesse d’émettre.

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