Marcel Bleustein, créateur d’un réseau de publicité pour la TSF nommé Publicis, décide en 1935 d’acheter Radio L-L, le petit poste de 2 kw à l’agonie fondé en 1926 par Lucien Lévy. Je constatais rapidement que l’exploitation de radio LL était des plus défectueuses : des programmes à peu près inexistants, des émissions souvent minables… rien en somme qui puisse satisfaire les auditeurs, écrit Marcel Bleustein-Blanchet dans ses mémoires Les Ondes de la liberté. Ce jeune patron va tout reprendre à zéro. Avec une première initiative: Les postes français ne fonctionnaient que deux heures à chacune des trois émissions de la journée… Je décidais que Radio LL fonctionnerait au moins toute la journée du dimanche. Radio LL fut le premier poste français qui fonctionna une journée entière sans interruption.
Reste à changer le nom du poste, les studios et la fréquence ! Pour le nom, Marcel Bleustein-Blanchet retient Radio-Métropole, Radio-Capitale et Radio-Cité. C’est ce dernier nom qui est choisi. Le studio déménage de la rue du Cirque au siège de Publicis au 1, boulevard Haussman. Le déménagement se fit dans ma voiture qui y suffit largement, souligne-t-il.
Enfin, le 209 mètres de Radio LL n’est pas une bonne longueur d’ondes, la radio n’est en effet pas reçue dans certains quartiers de Paris ! Après un voyage un Moscou, le nouveau boss de LL obtient de pouvoir partager avec le lointain poste de Tiraspol en Bessarabie la longueur d’ondes de 280.9 mètres.
Tout est prêt pour le lancement de Radio-Cité.
Naissance le 15 septembre 1935
Après quelques jours de silence, Radio LL fait place officiellement à Radio-Cité le dimanche 15 septembre 1935 à 9 heures. Mais un programme d’essais a été diffusé la veille au soir.
Dès sa naissance, le nouveau poste avoue s’inspirer des stations américaines. Objectif : plaire à l’auditeur.
Le premier gala de music-hall diffusé de 20 h à 21 h a une affiche alléchante avec, entre autres, Pierre Dac, Damia et Tino Rossi. Mais Radio-Cité veut également innover sur l’information en lançant la Voix de Paris, un journal parlé vivant.
Radio-Cité est la première radio music and news française.
La Voix de Paris avec l’Intransigeant
Quelques jours après son démarrage, le dimanche 29 septembre 1935, Radio-Cité et le quotidien l’Intransigeant lancent la Voix de Paris. Des sessions d’informations conçues comme un journal et un magazine.
Un total de douze émissions pas jour, soit quatre heures quotidiennes. Jean Antoine dirige l’équipe aidé de deux rédacteurs en chef, Carlos Larronde pour le magazine (19-20 h) et Gautier Chaumet pour les informations et les reportages.
Cette première journée marque une date importante dans l’histoire du journalisme, souligne Pierre Mac Orlan le lendemain dans l’Intran. La collaboration avec ce quotidien cessera le 1er février 1937 mais la Voix de Paris continuera à innover dans le domaine de l’information radiodiffusée.
Des programmes innovants et populaires
Un ton jeune et nouveau distingue les programmes de Radio-Cité de ceux de ses concurrents. Parmi les émissions vedette, on notera plusieurs émissions retransmises en public comme le Crochet radiophonique depuis la salle Pleyel (1000 F et un coffret de Monsavon pour le gagnant), le Music-Hall des jeunes (le mercredi) ou le Jeu des questions animé par Julien et Claude May. Autre gros succcès, les Fiancés de Byrrh, pour selectionner le couple idéal. Enfin, c’est aussi sur Radio-Cité que fut lancé le feuilleton La Famille Duraton qui se prolongera après-guerre sur Radio-Luxembourg.
L’affaire d’Argenteuil
En 1936, Marcel Bleustein, par ailleurs pilote, repère de son avion le terrain idéal pour installer le nouveau site d’émission de la station qui cherche à améliorer sa portée. Radio-Cité acquiert un terrain situé à Argenteuil. Mais c’est une municipalité communiste et L’Humanité se déchaîne. L’installation d’un émetteur de Radio-Cité à Argenteuil qui pourra fonctionner à une puissance supérieure à celle actuelle, cela signifie une gêne considérable pour tous les sans-filistes d’Argenteuil et dans la région dans un rayon de 10 km, car il ne pourra plus être entendu d’autres postes que Radio-Cité, écrit le quotidien communiste qui fait également campagne pour que le poste de l’Île-de-France quitte son nouvel emplacement de Romainville. Le 5 juin 1936, un grand meeting de protestation est organisé à Argenteuil. Plusieurs mois plus tard, un accord est enfin trouvé avec la municipalité et les travaux s’achèvent au début de l’année 1937. La réception de Radio-Cité s’étend sur l’île de France.
L’invasion allemande met fin aux émissions
Comme ses consoeurs, Radio-Cité se trouva fort dépourvue quand la guerre fut venue. Ses nombreux programmes de divertissements, très populaires, on dû être revus à la baisse pour cause de mobilisation et de chute des revenus publicitaires. Par ailleurs, l’information, une autre des grandes forces de la station a dû laisser la place à la retransmission des journaux parlés communs à toutes les radios.
Radio-Cité cesse d’émettre le 13 juin 1940. Quant à nos installations, elles avaient été livrées aux Allemands par deux techniciens, écrit Marcel Bleustein-Blanchet dans les Ondes de la liberté. L’un à qui nous avions confié le soin de mettre à l’abri le précieux quartz sans lequel il était impossible d’émettre, véritable coeur technologique de Radio-Cité, était venu le leur apporter sur un plateau. L’autre, ingénieur de la station, les avait aidés à remettre le câble en état. Si bien que les nazis avaient pu utiliser notre émetteur d’Argenteuil comme relais de haine et de mensonge, avant de le faire sauter au moment de leur départ en 1944. L’émetteur de Radio-Cité, sur 280.9 m, fut utilisé pour relayer Radio-Paris.
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