En intervenant en France en 1917 lors de la Première Guerre mondiale, les Américains amènent dans leurs bagages un nouveau style de musique. Le jazz va rapidement se propager après guerre dans les boîtes de nuits, les cabarets et les music-halls des grandes capitales européennes à un moment où la jeune génération qui a survécu tourne la page dans ce que l’on appellera les années folles. A l’été 1923, la radio française est encore toute jeune. Trois stations opèrent dans la capitale, les postes publics de la Tour Eiffel et de l’Ecole supérieure des PTT et la station privée Radiola.
Au printemps, cette dernière a commencé à diffuser en fin de soirée le jeudi, un programme de musique dansante avec notamment l’orchestre du Pigall’s ou celui de Mario Cazes.
Et voici que pendant l’été 1923, ce créneau de radio-dancing est occupé par du jazz américain de 21h40 à 22h30. C’est le groupe de Harry Coffie, autrement orthographié Cofie, qui propose ce qui est la première émission de jazz d’une radio française.
Le groupe d’Harry Cofie
Dans le studio aménagé dans la cave du 79, boulevard Haussmann à Paris, on trouve donc Harry Cofie (Cofie Boehm de sa véritable identité) et au chant sa femme Madge, une anglo-américaine. Plus tard, c’est elle qui sera mis en avant dans ce duo sous le nom de Dinah. Elle tiendra différents cabarets à Paris, à Pigalle ou Montparnasse (le Fashionable night club en 31, le Dinah’s Shack en 32, le Regal en 1933). Le couple finira sa carrière en Argentine.
Buddie Gilmore et son trio à l’été 1924
Radiola remet ça l’année suivante. Elle propose à un autre jazz-band d’occuper la fin de soirée du jeudi. La radio vient tout juste de changer de nom pour celui de Radio-Paris. Dès le 5 juin, de 22 heures à 22h45, la case de radio-dancing est occupée par le groupe de Buddie Gilmore sous la direction de Seth Weeks. Buddie (ou Buddy) Gilmore est un batteur originaire de Caroline du Nord. Seth Weeks est le roi du banjo et de la mandoline.
Il reste de leur passage à Radio-Paris, les impressions de Radiolo (Marcel Laporte) qui écrit en 1925 dans ses mémoires (Grasset) : « La musique le disloque, le détraque, le déchaîne. Il frappe sur tout et partout, sur les pupitres, les chaises, sur sa tête même, hurlant des mots nègres, entraînant tout dans un mouvement endiablé. » Une femme, connue sous le nom de Mrs Buddie, est au piano. Enfin, il y a Seth Weeks au banjo, « admirable de calme et de bonne humeur grattant avec énergie« . Et quand Radiolo annonce leur titre « ils s’envoient des coups de poing dans les côtes, des claques sur les cuisses, étouffent des rires énormes pendant dix minutes« . Radiolo était loin d’être bilingue…
L’initiative de Radiola-Radio-Paris ne sera pas renouvelée l’été suivant. Le jazz va continuer de cartonner dans le monde de la nuit mais va avoir du mal à s’imposer sur les ondes.
Une dizaine d’années plus tard, alors que Jacques Canetti propose chaque lundi soir de 19h30 à 20 heures sur le Poste parisien, les nouveaux disques de jazz hot, il doit faire face à des réactions très virulentes des auditeurs contre une musique souvent qualifiée de sauvage. La standardiste, expliquera-t-il, n’osait pas lui rapporter les propos des auditeurs scandalisés. Il restera cependant à l’antenne de novembre 1932 à l’été 1934.
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