En mai-juin 40, c’est la pagaille sur les routes mais aussi sur les ondes

La guerre éclair qui frappe la France en mai 40 et la débâcle qui s’en suit montrent la mauvaise préparation de son armée mais aussi de sa radio. Depuis la déclaration de guerre en septembre 39, toutes les stations, publiques et privées doivent diffuser les mêmes bulletins d’information aux mêmes heures. Ils sont produits par le Centre d’information de la radio française installé au 22, rue Bayard, les locaux parisiens réquisitionnés de Radio-Luxembourg qui n’émet plus depuis septembre.

Ci-dessous, en mai 40, les radios privées de la capitale font de la pub pour leurs programmes sans savoir que ce seront les derniers.

Les horaires des informations changent fréquemment ce qui rend la tâche un peu compliquée pour l’auditeur. Ainsi le 1er mai, quelques jours avant l’offensive allemande, nouveau changement. « Le Centre d’information de la radio française communique le nouvel horaire de ses émissions : émissions agricoles : mardi, vendredi : 13h30 ; dimanche : 8h45. Sur tous les postes émetteurs français (sauf Radio-Paris) : Informations à 6h30, 8h30 et 12h30 ; revue de presse à 19h30, 21b30 et 23h30 ; Ce que vous devez savoir à 7h30. Sur Paris-PTT et stations régionales : actualités et radioreportages à 13h30 et 20 heures. (Emission retransmise à 22h15 par certains postes privés). »

Les émissions de divertissement sont supprimées

Le 10 mai 1940, le Reich lance sa guerre éclair. Il faut attendre le 13 mai pour que des informations soient imposées sur tous les postes à la demie de chaque heure.

Quelques jours plus tard, la situation militaire tourne au vinaigre. Le 20 mai tombe l’ordre suivant : « Par décision du gouvernement, toutes les émissions artistiques, lyriques, dramatiques, causeries, de tous les postes radiophoniques, à l’exception de celles de Radio-Paris, sont suspendues. Les diverses stations ne diffusant plus que les informations officielles. » Entre les infos, toutes les radios, sauf une, laissent un blanc à l’antenne. Ce qui apparaît vite ridicule. D’autant plus que les Allemands diffusent de fausses radios clandestines pour rajouter au désordre ambiant.

L’éphémère Radio-Paris II

Une nouvelle organisation est mise au point. Lors de la fermeture de Radio-Luxembourg en septembre, du matériel a été placé en France. Il va être installé sur l’ancien site d’émission de Radio-Paris aux Essarts. Le 25 mai, les autorités communiquent : « L’administration de la radiodiffusion vient de mettre en service, sur l’ancienne longueur d’onde de la station Radio-Luxembourg, 1.293 mètres, une station qui portera dans les programmes le nom de Radio-Paris II, dont la puissance est actuellement de 40 kw et qui sera prochainement portée à 80 kw. » Sur la base de Paris-PTT, Radio-Paris II démarre le 27 mai et accueille la radio belge en exil pour des infos à 8h, 13h15, 17h, 19h et 22h30. Elles est retransmise par les stations régionales des PTT, sauf Lille aux mains des Allemands.

Quelques minutes d’infos quotidiennes sont ajoutées à l’intention des auditeurs luxembourgeois. « Le centre d’information et de propagande luxembourgeois diffuse tous les jours de 18h25 à 18h30 par le poste de Radio Paris II. Une émission destinée aux évacués et réfugiés du Grand-Duché.« 

Interdites, les émissions artistiques reviennent

Mais ce 27 mai, bonne nouvelle, « les émissions artistiques qui étaient supprimées en raison des nécessités d’ordre militaire, reprendront, jusqu’à 21h30, sur les stations de la région du midi de la France stations d’Etat (Bordeaux-Lafayette, Toulouse-Pyrénées,; Montpellier- Languedoc, Marseille – Provence et Nice-Côte d’Azur) et stations privées (Radio-Bordeaux-Sud-Ouest, Radio-Agen, Radio-Toulouse, Radio-Montpellier, Radio-Nîmes et Radio-Méditerranée). Sur les stations à ondes longues, des programmes artistiques différents seront diffusés par les deux stations Radio Paris, 1.648 mètres, et Radio Paris II, 1293 mètres. Les stations régionales d’Etat à ondes moyennes du midi de la France diffuseront jusqu’à 21h30 les programmes artistiques de Radio-Paris II. A partir de 21h30. Radio-Paris II diffusera un programme spécial. »

On pensait avoir tout compris mais le 30 mai la direction de la radiodiffusion annonce que « les stations de Radio-Lyon, Limoges et Lyon-Tramoye prendront dorénavant, comme les autres émetteurs du Midi de la France, le relais des émissions de Radio-Paris II. »

Au fur et mesure de l’avancée des Allemands, les émetteurs sont mis hors d’état. Avec plus ou moins de succès comme à Paris où les radios quittent les ondes le 13 juin. Ainsi Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Radio-Cité, écrit dans Les Ondes de la liberté : « Quant à nos installations, elles avaient été livrées aux Allemands par deux techniciens. L’un à qui nous avions confié le soin de mettre à l’abri le précieux quartz sans lequel il était impossible d’émettre, véritable coeur technologique de Radio-Cité, était venu le leur apporter sur un plateau. L’autre, ingénieur de la station, les avait aidés à remettre le câble en état.« 

Le 14, alors que les troupes de la Wehrmarcht entrent dans Paris, une émission en allemand se fait entendre sur la longueur d’onde de Radio-Paris II. Un communiqué est diffusé, note l’agence Reuters, suivie d’une musique spécialement créée pour occasion, la Marche pour Paris.

Goebbels dessine le nouvel ordre radiophonique

Suite à la signature de l’armistice qui entre en vigueur le 25 juin, toutes les radios de la métropole se taisent. Cinq jours plus tard, Joseph Goebbels, ministre de la propagande du Reich précise ses intentions dans une interview accordée à des journalistes suisses. « Nous ne pouvions permettre des émissions qui. sous l’aspect de programmes artistiques, eussent été dirigées contre nos troupes. Nous ne doutons pas de la loyauté du gouvernement français, mais nous savons fort bien que, dans l’ensemble, la grande majorité de la population nous reste hostile et servira la cause anglaise, jugeant faire son devoir. » Le propagandiste en chef dessine les contours de ce qui sera mis en place à partir du début du mois de juillet.

« II est cependant évident que des facilités seront accordées au gouvernement français. Nous envisageons d’autoriser certaines émissions et avis officiels du gouvernement. Nous n’empêcherons pas le maréchal de France, chef du gouvernement. de s’adresser à son peuple. sachant qu’il ne sera qu’un élément modérateur. A Paris, en accord avec certains postes, nous allons organiser un service de radio française assuré par des Français, mais sous notre contrôle. Ils seront libres de préparer des programmes musicaux, artistiques, mais nous nous réservons de choisir ces programmes, afin qu’ils ne dissimulent pas des Informations pour nos ennemis et des instructions contre nous. »

Ce seront les futures Radio-Paris, version propagande allemande, et Radiodiffusion nationale à Vichy.

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