A l’hiver 1934, une radio clandestine énerve les nazis qui viennent d’arriver au pouvoir en Allemagne. Il s’agit d’un poste qui diffuse dans la bande ondes courtes des cinquante mètres la propagande du Front noir. C’est une organisation de nazis dissidents, menée par Otto Strasser. Dès son arrivée aux plus hautes fonctions, Hitler fait le ménage à sa manière et les purges ou assassinats se multiplient. Le Front noir entre dans la clandestinité. Il va bénéficier de l’expérience en radio de l’un de ses membres, un ingénieur du nom de Rudolph (Rolf) Formis.
Il avait dirigé la radio de Stuttgart
L’homme, un nazi de la première heure, avait dirigé la station de Stuttgart. « Ses premiers démêlés, avec le parti, datent de l’incendie du Reichstag, rappelle le journal La Liberté. A cette époque, il transmit au grand public des informations qui n’avaient pas eu heur de plaire au Dr Gœbbels. Plus tard, alors que le Führer tenait un grand discours à Stuttgart, il ne sut empêcher le sabotage de la ligne qui allait du microphone au poste émetteur Formis était alors tombé en disgrâce. » Il est envoyé un temps en camp de concentration puis trouve refuge en Tchécoslovaquie. C’est là qu’il entre en contact avec les exilés du Front noir.
Un émetteur clandestin dans un petit hôtel
Ce radioamateur monte un poste émetteur qu’il installe dans à l’hôtel Zahori, au bord de la Moldau à soixante kilomètres au sud de Prague. Un lieu aujourd’hui recouvert par les eaux d’un barrage de retenue.
En novembre, les autorités tchécoslovaques tentent, en vain, de repérer la radio clandestine. Mi-décembre, les Allemands renouvellent leurs pressions sur les Tchéchoslovaques pour qu’ils parviennent à débusquer cet émetteur qu’ils estiment être dans un rayon de 80 km autour de Prague suite aux renseignements recueillis auprès d’un militant du Front noir.
Abattu de plusieurs balles de revolver
Le 12 janvier, une équipe de trois personnes, une femme et deux hommes, franchit la frontière germano-tchécoslovaque en voiture avec les bagages de parfaits touristes dont des skis. Après quelques recherches, ils finissent par repérer l’hôtel. Deux agents, prétextant être un couple en vacances, louent une chambre près de celle de Formis. Le trio passe à l’action dans la soirée du 23 janvier en tentant d’enlever l’ingénieur. Mais ce dernier est armé et tire sur un de ses agresseurs qui l’abattent de plusieurs balles de révolver. Ils tentent de mettre le feu à la chambre et s’enfuient. Leur voiture est retrouvée au poste frontière. Comme il était fermé dans la nuit, ils l’ont abandonnée et sont entrés à pied en Allemagne.
« Dans ce local, assez exigu, où la police elle-même ne pénétra que cet après-midi, on n’aperçoit qu’un matelas dressé comme pour sécher contre le mur et d’où un fil, à peu près invisible, se perd dans Le plafond. Près de la fenêtre, on ne voit qu’une chaise devant un paillasson disposé comme pour la commodité d’un locataire frileux, décrit Le Petit Parisien. C’est pourtant là que l’ingénieur Formis, justement réputé depuis son séjour à Stuttgart comme un virtuose de la TSF, avait organisé. au prix d’un labeur incroyable, une station capable de rivaliser avec la puissante station allemande en ondes courtes de Königswusterhausen.
L’ingénieur avait choisi une longueur d’onde à peine inférieure celle de ladite station, dont tous les auditeurs recevaient ainsi les messages de la station mystérieuse du Front Noir. Chose curieuse, et qui n’était pas faite pour faciliter les recherches, les émissions étaient très faiblement perçue en Tchécoslovaquie, alors qu’elles étaient infiniment plus nettes dans la région allemande. Quant aux disques de phonographe découverts dans la chambre de Formis, La police tchèque y a retrouvé la musique des morceaux dont la station mystérieuse composait son programme. ainsi que des discours dé propagande du Front Noir. » Parmi ces disques, la marche des toreros de Bizet qui servait d’indicatif.
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