En 1930, les radios publiques ne font pas, du moins officiellement, de publicité. Pour les radios privées, c’est la principale source de revenus. Chaque poste élabore sa propre grille en fonction de son audience, de son prestige artistique, de ses coûts techniques et de sa stratégie commerciale. L’examen des tarifs appliqués par une dizaine de stations permet de mesurer la diversité d’un marché encore expérimental, où coexistent modèles artisanaux, ambitions nationales et logiques strictement locales. Pour vous faire une idée des tarifs, à cette époque on peut avoir un phonographe pour 300 F et un vélo à partir de 250 F.
A la tête du client pour Radio-Paris
A ce tableau, il manque Radio-Paris. C’est la station privée la plus puissante de l’époque et sera d’ailleurs rachetée par l’état trois ans plus tard pour en faire le Poste national. Elle n’offre pas au début de 1930 de grille tarifaire détaillée. Tout se négocie suivant l’annonceur.
Radio LL, petit poste mais tarifs très précis
Radio LL adopte l’une des tarifications les plus précises du moment. Les annonces y sont facturées selon leur longueur : environ 250 F pour cinq lignes, 400 F pour dix, 800 F pour vingt-cinq. Les allocutions plus développées atteignent 1 000 F, tandis qu’un discours de dix minutes ou un concert de musique de chambre par l’orchestre maison se négocient autour de 2 000 F. La station mise ainsi sur une hiérarchie claire entre simple message publicitaire, prise de parole soutenue et production musicale originale. Ses remises (10 % pour dix émissions et 20 % pour vingt-cinq) encouragent la fidélisation des annonceurs réguliers.
Le Poste Parisien met la barre haut
Le Poste Parisien, adossé au Petit Parisien, s’inscrit dans une politique tarifaire élevée, cohérente avec la puissance du journal. Les concerts d’orchestre d’une heure et demie atteignent 3 000 F, et une demi-heure de disques coûte déjà 1 500 F. Les annonces brèves y sont facturées au mot : dix mots pour 275 F, vingt pour 300 F, quarante pour 350 F, plus 5 F par mot supplémentaire. Le dispositif se veut simple mais valorise fortement le moindre message.
La qualité se paie sur Radio Vitus
À l’inverse, Radio Vitus propose une structure extrêmement détaillée et segmentée. Les annonces courtes commencent à 300 F pour vingt mots, avec un prix progressif au mot selon la tranche considérée. La station associe aussi forfait et contenu : une demi-heure de disques avec deux annonces revient à 1 500 F, tandis qu’un concert populaire d’une heure accompagné de trois messages coûte 3 500 F. Le gala, mobilisant jusqu’à vingt-cinq artistes, culmine à 8 000 F. Radio Vitus illustre la logique dans laquelle la qualité musicale, le nombre d’intervenants et le prestige de la production justifient une montée en gamme. Les réductions importantes jusqu’à 15 % montrent cependant la volonté d’attirer de grands clients ou des séries longues.
Modulation suivant l’horaire à Radio Toulouse
La dimension horaire apparaît avec force dans la grille de Radio Toulouse, sans doute l’une des plus complexes. Une annonce de quarante mots peut coûter 100 F en fin d’après-midi, mais atteint 500 F lors de la tranche très écoutée de 20 h 30 à 22 h. Les abonnements mensuels ou annuels accentuent ces écarts : 2 300 F pour trente diffusions mensuelles en heures creuses, contre 12 000 F en heures de pointe. Les concerts suivent la même logique, passant de 4 000 F à 6 000 F selon la tranche horaire. Ici, l’audience prime sur toute autre considération : plus la période est prisée, plus le prix s’envole.
Les tarifs s’allègent sur les postes régionaux
Les postes régionaux adoptent souvent une politique plus modérée. Radio Lyon facture 80 F une annonce unique de quarante mots, et propose diverses formules mensuelles à partir de 320 F pour quatre diffusions. Ses concerts de disques sont fixés à 1 000 F l’heure. Radio Sud-Ouest applique un modèle similaire mais avec un tarif plus bas pour les disques (500 F l’heure). Radio Béziers se positionne encore en-dessous : 50 F l’annonce de quarante mots et 250 F l’heure de concert ou de disques. Les stations locales, moins puissantes techniquement et moins couvertes nationalement, misent sur des prix attractifs pour toucher davantage d’annonceurs.
Radio Normandie mise sur les tarifs dégressifs
Radio Normandie combine quant à elle modulation horaire et tarifs dégressifs. L’annonce standard coûte 250 F, mais tombe à 50 F l’unité pour un lot annuel de vingt-cinq diffusions de jour, et même à 25 F au-delà de cent. Le soir, l’échelle reste plus élevée, ce qui traduit une hiérarchie d’audience comparable à celle de Toulouse. Les concerts sur disques coûtent 750 F de jour et 1 500 F en soirée.
C’est très rigide sur Radio Côte d’Azur
Enfin, Radio Côte d’Azur choisit une stratégie très spécifique. La station ne vend que des annonces au format imposé, soit quatre lignes préécrites, et sur deux créneaux uniques (13 h ou 20 h 30). Son tarif varie principalement selon la quantité : de 150 F l’annonce à 18 000 F pour 365 diffusions annuelles. Ici, la répétition prime sur la personnalisation, la station cherchant un modèle stable et standardisé.
Au total, le paysage radiophonique français de 1930 reflète un marché en pleine expérimentation. Entre stations prestigieuses intégrant concerts de haut niveau, postes régionaux proposant des tarifs populaires, et radios développant des stratégies singulières fondées sur l’horaire ou la quantité, la publicité à la radio ne répond à aucune norme unifiée. Cette hétérogénéité témoigne à la fois de la diversité des stations et de la nature encore fluide d’un média dont les usages économiques ne sont pas encore stabilisés.

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