[IL Y A CENT ANS] Un premier concert radiophonique est diffusé depuis Sainte-Assise

L'émetteur de Saint-Assise

Le samedi 26 novembre 1921, l’amicale des ingénieurs de l’Ecole supérieure d’électricité organise une réunion dans les salons de l’hôtel Lutetia à Paris. Il s’agit de fêter le millième membre de l’association, une femme nommée Mlle Sacerdote.

Plusieurs personnalités sont présentes, des éminents spécialistes des industries électrique et Paul Laffont, alors sous-secrétaire d’Etat des PTT. Après un discours sur les progrès de l’électricité et sur le centenaire d’Ampère, une surprise attend les trois cents personnes présentes.

La Tour s’est tue

Il est 22 heures quand une voix se fait entendre dans un haut-parleur. C’est celle d’Yvonne Brothier. Sauf que la soprano de l’Opéra comique n’est pas au Lutetia mais à une quarantaine de kilomètres de là à Sainte-Assise, près de Melun, où se trouvent les installations radiotélégraphiques de la Compagnie générale de TSF (aujourd’hui Thales), dont la filiale la Société française radioélectrique sera à l’origine l’année suivante de Radiola, la première radio privée française.

La cantatrice interprète la Valse de Mireille, un air du Barbier de Séville et la Marseillaise, transmis par un émetteur de cinq kilowatts. L’expérience est réussie. Il faut dire que les organisateurs s’étaient assurés que la Tour Eiffel cesse ses transmissions télégraphiques à partir de 22 heures.

Le récepteur dans une chambre

« Les appareils récepteurs étaient installés dans une chambre de l’hôtel et consistaient en quelques lampes amplificatrices à trois électrodes, destinées à multiplier à l’arrivée dans des proportions considérables, l’intensité relativement très faible des ondes hertziennes reçues« , nous apprend l’Intransigeant. Yvonne Brothier a été prévenue par téléphone du moment où elle devait commencer à chanter. Mais les organisateurs, craignant une défaillance du réseau téléphonique avait prévu une liaison radio parallèle.

Yvonne Brothier
Yvonne Brothier lors d’un essai de radiodiffusion à Sainte-Assise.

« La science ne s’arrête pas »

« La hauteur des sons, leur intensité, les nuances, le timbre, la prononciation, rien n’était perdu dans cette transmission sans fil à travers l’espace, témoigne un journaliste du quotidien l’Echo de Paris. Certes, s’il faut tout dire, le chant ainsi transmis ressemble encore à ce qu’il est dans un très bon phonographe. Le pavillon lui donne encore quelque nasalisation. Par fois même, certaines notes du médium semblent doublées à l’octave supérieure : avec le son principal, on entend assez distinctement la première harmonique supérieure. Mais la science ne s’arrête pas. La téléphonie sans fil, qui doit tant à Branly, nous apportera bientôt d’autres applications merveilleuses. On ne transmettra pas seulement une voix, mais des ensembles de voix et aussi toutes les sonorités de l’orchestre. » Le journaliste ne s’y trompe pas, c’est bien le début d’une nouvelle ère, celle de la radiodiffusion.

« Une date mémorable »

Après cette transmission, un film est projeté, montrant Yvonne Brothier chantant devant le micro de Sainte-Assise, lors d’essais réalisés auparavant et dont il reste les photos fournies à la presse. D’autres discours ont suivi dont celui du sous-secrétaire d’Etat aux PTT. « L’expérience d’audition téléphonique sans fil, réalisée pour la première fois en France, avec des appareils français, marque une date mémorable dans l’histoire des progrès scientifiques de notre pays« , déclare Paul Laffont. Une date mémorable due à l’initiative privée.

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