Hans Weber, le faux poste clandestin des Soviétiques qui a bien énervé les SS

Parmi les multiples opérations de propagande radiophonique menées durant la Seconde Guerre mondiale, certaines jouèrent délibérément sur l’ambiguïté quant à leur origine. Hans Weber en est un exemple caractéristique : présentée comme une radio clandestine émettant depuis l’intérieur du Reich et animée par des dissidents nazis, elle était en réalité diffusée depuis l’Union soviétique. Son efficacité reposait sur une mise en scène soigneusement construite, exploitant à la fois la marginalisation des SA et la crédibilité politique de certains exilés communistes allemands.

La frustration des SA, terrain propice à la désinformation

Les SA (Sturmabteilung, section d’assaut), milice du parti nazi, avaient joué un rôle central dans l’ascension d’Hitler dans les années 1920 et au début des années 1930. Organisation de masse, recrutant largement parmi les chômeurs et les classes populaires, elles se présentaient comme une force « révolutionnaire » du national-socialisme.

Cependant, leur élimination politique lors de la Nuit des Longs Couteaux en juin 1934, au cours de laquelle leur chef Ernst Röhm fut assassiné, transforma les SA en une organisation subalterne. Privées de pouvoir réel, éclipsées par la SS et de plus en plus cantonnées à des fonctions secondaires ou militaires, elles nourrissaient un ressentiment latent.

C’est précisément cette situation que la station Hans Weber exploite. En mettant en scène une prétendue rébellion interne des SA, incarnée par le personnage de Hans Weber, la radio s’adresse à un groupe réel, nombreux, frustré et idéologiquement ambigu. Le discours de Weber insiste sur la trahison du régime à l’égard des SA. Hitler aurait promis du travail et une reconnaissance sociale, mais n’aurait offert que la guerre, la destruction et la mise en danger des familles.

Walter Ulbricht et Fritz Erpenbeck, les architectes politiques de l’opération

La station est une initiative de Walter Ulbricht et Fritz Erpenbeck, deux figures majeures du communisme allemand en exil à Moscou.

Walter Ulbricht est l’un des principaux dirigeants du Parti communiste allemand (KPD). Réfugié en Union soviétique après 1933, il devient un acteur central de la propagande allemande de Moscou pendant la guerre. Pragmatique, discipliné et étroitement lié à l’appareil soviétique, Ulbricht comprend très tôt l’importance des médias dans la guerre psychologique. Après 1945, il jouera un rôle déterminant dans la mise en place du régime est-allemand, devenant le principal dirigeant de la RDA jusqu’au début des années 1970.

Fritz Erpenbeck, écrivain, dramaturge et intellectuel communiste, complète ce dispositif par son expertise culturelle et médiatique. Lui aussi exilé à Moscou, il participe activement à la conception des émissions, au ton, au style et à la crédibilité narrative des radios de propagande. Erpenbeck est particulièrement attentif à la construction de personnages plausibles et à l’usage de rumeurs politiques, de conflits internes et de détails pseudo-confidentiels.

Tous deux s’inspirent explicitement des méthodes britanniques de « radios noires », ces stations se faisant passer pour des voix allemandes authentiques afin de miner la confiance dans le régime nazi.

 Hans Weber, un dissident fictif au service de la subversion

Hans Weber, présenté comme un cadre ou un militant de la SA passé à la dissidence, devient la voix centrale de la station. Dans la presse britannique, le 25 août 1941, on rapporte qu’il s’adresse directement aux SA : « Certains d’entre vous disent que le Führer vous a donné du travail. Mais votre travail, c’était de préparer la guerre. Maintenant, votre travail a été détruit, et vos familles et vous-mêmes êtes en danger. »

La station affirme être activement recherchée par la Gestapo. Le 29 août 1941, après quelques jours de silence, Weber déclare à l’antenne que la police secrète a tenté de la localiser sans succès. Il évoque également de prétendues querelles au sommet de l’État, notamment entre Goebbels et Ribbentrop, incapables selon lui de se supporter même en présence d’Hitler. Le message politique est sans détour : « Hitler est l’ennemi de l’Allemagne. Si on s’en débarrasse, la guerre prendra fin. »

Une chronique quotidienne de rumeurs et de fausses infos

Chaque soir, durant une vingtaine de minutes en ondes courtes, SA-Mann Hans Weber diffuse informations, rumeurs et dénonciations. Et la presse britannique s’y laisse prendre, relaie les fausses informations de la radio noire. Le 1er septembre 1941, elle prétend révéler les détails d’une violente dispute entre Hitler et Mussolini, Hitler exigeant des troupes italiennes pour le front de l’Est.

Le 19 septembre, Hans Weber reprend une rumeur venue de Moscou selon laquelle Göring serait en disgrâce. La radio attaque aussi des officiers comme le commandant Kuemmel, accusé de mener une vie de luxe et de faire la fête pendant que les hommes de la SA combattent au front.

En mai 1942, la station affirme que la famille royale italienne aurait pris contact avec les Alliés pour négocier une paix séparée. Le 27 août 1942, elle annonce enfin que « 95 collaborateurs ont été exécutés par erreur par les nazis en France », les autorités les ayant confondus avec des otages alors qu’il s’agissait d’une délégation se rendant en Allemagne.

En 1942, le programme de Hans Weber est fusionné avec une autre fausse radio clandestine des Soviétiques. Son impact concret sur les SA reste difficile à mesurer, mais on sait que les SS ont cherché activement à brouiller la station.


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