Après cinq ans hors des planches, la célèbre actrice de théâtre Yvonne de Bray revient sur la scène pour jouer dans Catherine l’empereur, la nouvelle pièce de Maurice Rostand. « Quelle figure étonnante que celle de l’impératrice de toutes les Russies: dominatrice, triomphante, passionnée, prête à toutes les audaces« , déclare-t-elle. En cette fin octobre 1937, cette pièce jouée par la troupe du théâtre de l’Odéon est un événement culturel très attendu. L’oeuvre décrit la dernière partie de la vie de Catherine II et s’attarde sur sa vie amoureuse en la faisant passer, dirait-on aujourd’hui, pour une cougar. La pièce, auréolée de bonnes critiques doit être diffusée en direct de l’Odéon le 5 février 1938 à 20h30 sur Radio-PTT-Nord, Limoges-PTT et Toulouse-Pyrénées.
Mais les programmes des postes régionaux des PTT sont supervisés par un conseil de gérance élu par les auditeurs. Les dix représentants du conseil de gérance de Lille alertent le ministre des PTT car ils estiment que la pièce « ne saurait convenir aux auditeurs essentiellement familiaux de notre région radiophonique que les débordements amoureux de la grande Catherine n’intéressent guère. » Le ministre accède à leur demande et les auditeurs entendent à 20h30 l’opérette les Cloches de Corneville, effectivement moins sulfureuse. Mais en revanche, les auditeurs de Limoges-PTT et de Toulouse-Pyrénées ont pu suivre Catherine l’empereur.
La Grande Catherine se réduit
La censure nordiste fait du bruit et dans le même temps un nouveau ministre des PTT entre en fonction. Il impose au poste de PTT-Nord de diffuser la pièce le 23 avril 1938. Le conseil de gérance tente de négocier la lecture d’un communiqué avant la diffusion et qu’elle soit programmée après 23 heures. Mais c’est niet. Le 23 avril la pièce est diffusée sans annonce préalable. Mais quelques temps plus tard, on apprend que c’est une version très édulcorée qui est passée à l’antenne.
« Les phrases les plus suggestives, des répliques entières ont été supprimées aux pages 1.1, 16, 23, 24, 33, 36, 37, 38, 39, 41, 45, 46, 48, 52, 53, 50, 63, 67, 72, 74, 75, 106, 122, 127, 139, 110, 143, 144, 145, 148 du texte publié par « l’Edition théâtrale ». De plus, ont été complètement supprimées les pages 24, 25, 26, 27, 77 et 168, note le journal catholique La Croix. C’est un caviardage en règle, qui a d’ailleurs rendu inintelligible en beaucoup de ses parties la retransmission de samedi dernier, et qui a pu être opéré parce que la pièce était jouée en studio, puisque ce soir-là l’Odéon donnait Le Roi Soleil. » L’affaire continuera de faire quelques remous au point que certains suggéreront qu’un astérisque avertissent les lecteurs d’un programme sensible.
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