« Allô, ici poste du Radio-Club Landais à Mont-de-Marsan… Le présent poste fait ses premiers essais scientifiques sur une longueur d’onde de 380 mètres. »
C’est par ces mots qu’Abel Dumont, secrétaire général de la préfecture des Landes, ouvre le 7 février 1925 une aventure inédite : celle du premier poste de radiodiffusion du département, bientôt connu sous le nom de Radio Mont-de-Marsan.
Un rêve d’amateurs devenus pionniers
Tout commence un an plus tôt, lorsque quelques fervents « sans-filistes » montois rêvent de doter la capitale landaise d’un poste émetteur digne des grandes villes françaises. À cette époque, seules quelques stations régionales, Lyon, Agen, Montpellier, sont déjà sur les ondes. Mont-de-Marsan veut à son tour entrer dans la modernité radiophonique.
Un comité est constitué pour mener le projet. À sa tête, le sénateur Daraignez assure la présidence. À ses côtés : le docteur Dibos, maire de Saint-Avit, vice-président ; Abel Dumont, secrétaire général de la préfecture, secrétaire du comité ; et M. Vives, maire de Bastennes, trésorier. Leur ambition ? Créer un poste « de grande puissance », capable de diffuser dans tout le Sud-Ouest et d’être capté avec de simples appareils à galène.
Les débuts sont ardus. L’entreprise, entièrement issue d’initiatives privées, doit surmonter des obstacles techniques, financiers et administratifs. « L’œuvre entreprise a été dure, les difficultés nombreuses », écrit alors Le Radiogramme, qui salue « le mérite des animateurs n’ayant cessé de résoudre, jour après jour, des problèmes dans un domaine encore peu connu ».
La caserne Lacaze, berceau des ondes landaises
Reste à trouver un lieu. Après bien des démarches, les promoteurs obtiennent l’usage d’une vaste salle à la caserne Lacaze. Le Républicain landais la décrit toute de rouge vêtue :
« La salle mise à disposition est vaste : 12 mètres de long sur 8 mètres de large. Toute tendue de rouge : les portes et fenêtres sont recouvertes de tentures rouges, le plafond est doublé de toile rouge et des tapis feutrent les pas. »
Un décor plus proche d’un théâtre que d’un laboratoire !
Au centre, trône un unique microphone, un rond de 15 centimètres de diamètre posé sur quatre coussins de caoutchouc. Dans un coin, le matériel technique : un transformateur puisant le courant de la ville et l’élevant jusqu’à 3 000 à 6 000 volts, pour une puissance d’émission de 300 watts. Une tension de 1 200 volts à portée de main des opérateurs : d’où la pancarte « Danger de mort » qui orne la porte de la salle.
Le reporter de l’Antenne donne plus de détails quelques mois plus tard :
« Au premier étage, studio superbe, tourné vers le sud, avec piano, bibliothèque de musique, pupitre, sièges confortables. Dans un coin, installation technique avec table de contrôle et un enregistreur à bande magnétique. Sur les murs, des photos d’artistes, des affiches, des dessins humoristiques et des instantanés photographiques… Le poste émetteur est dans une pièce voisine. Il est relié au studio par un câble coaxial. Il est alimenté par une ligne spéciale de 220 volts. Il fonctionne sur 1 600 mètres, avec une puissance de 100 watts. Il est entièrement monté par les membres du club. Il est relié à une antenne de 40 mètres de long, tendue entre deux mâts de 20 mètres de haut. L’antenne est orientée nord-sud.
Le studio est équipé d’un microphone de qualité professionnelle, d’un amplificateur de son, d’un enregistreur à bande magnétique, d’un tourne-disques, d’un lecteur de cassettes, et d’un haut-parleur de contrôle. Le tout est monté sur une table de mixage. Le studio est insonorisé par des panneaux de liège et des rideaux épais. L’éclairage est assuré par des lampes fluorescentes. »
Une inauguration en grande pompe
Le 7 février 1925, la séance inaugurale se déroule devant un parterre d’officiels : le préfet des Landes, M. Briens son chef de cabinet, M. Tixier maire de Mont-de-Marsan, plusieurs adjoints, le colonel Martin du Theil, le trésorier-payeur général M. Lenoir, des représentants de la Chambre de commerce et de nombreuses personnalités landaises.
Au programme : des airs lyriques interprétés par Mlle Hipolite, accompagnée de Jean Robert au piano, dans Lakmé et Le Chérubin de Massenet, puis par M. Cottret dans Manon et La Maison grise de Fortunio.
L’ingénieur Alain Boursin, metteur en scène et compositeur, orchestre la soirée. Il annonce, au micro, la prochaine venue du grand pianiste Francis Planté, qui a adressé une lettre pleine d’amabilité pour s’excuser de son absence.
Entre deux morceaux, le poste lance ses messages techniques :
« Ici poste émetteur d’essai du Radio-Club Landais. Nous faisons un quart d’heure par chaque demi-heure des essais de modulation. Le quart d’heure de silence a pour but de permettre à nos aimables auditeurs d’entendre les autres postes d’émission. »
Les auditeurs sont invités à envoyer une carte postale pour signaler la réception du signal. Le premier message de retour provient… de Yenne, en Savoie : preuve que la voix de Mont-de-Marsan porte loin !
En fin de soirée, un haut-parleur installé sur une fenêtre de la caserne permet d’entendre les postes anglais. On promet d’installer bientôt l’antenne sur le donjon pour porter plus loin encore cette nouvelle voix.
Du matériel fourni par les Etablissements Radio LL
Micro en main, Abel Dumont prononce le discours d’ouverture, clair et solennel :
« Allô ! Ici le poste du Radio-Club Landais, à Mont-de-Marsan (Landes). Le présent poste fait ses premiers essais scientifiques sur une longueur d’onde de 380 mètres. Le Radio-Club Landais salue ses auditeurs et leur demande de bien vouloir lui envoyer, si possible, une note résumant leurs constatations sur la réception des émissions. »
Il précise que le matériel a été fourni par les Établissements Radio LL, 66 rue de l’Université à Paris, et remercie le Conseil général des Landes ainsi que « la grande majorité des communes landaises » pour leurs subventions.
« Sa reconnaissance va spécialement vers ceux qui ont aidé par leurs concours financiers et techniques. Il espère que cet effort sera poursuivi cette année encore. »
Une aventure locale difficile à pérenniser
Pour Le Radiogramme, organe des amateurs de TSF, cette création est exemplaire :
« Le poste de Mont-de-Marsan, après celui de Lyon, d’Agen et de Montpellier, doit être encouragé. Vive le nouveau poste de Mont-de-Marsan ! Vive l’industrie française ! La radiophonie doit être exploitée par les sans-filistes et non par l’administration des PTT ! »
Ainsi, dans une salle rouge de la caserne Lacaze, quelques passionnés ont fait entrer les Landes dans l’ère de la modernité sonore. Mais, cette équipe motivée de bénévoles n’a pas réussi à pérenniser leur aventure. Les programmes vont s’alléger avant de disparaître des ondes courant 1929. Voici un exemple des programmes de la station en 1926, publiés par le magazine L’Antenne.

Bonjour,
Toujours des articles très utiles pour la connaissance de l’histoire de la radio !
J’ajoute que Radio-Mont-de-Marsan a un titre de gloire à son actif : elle a été la première radio à utiliser un électrophone, (modifié par le personnel de la station) en mode pick-up dès ses débuts « alors que les premiers pick-up commerciaux n’équiperont les autres radios qu’à l’automne 1927 » Cette dernière information vient de « Histoire de la radio en France » page 179 par René Duval.
Il serait utile de connaître la date du reportage de l’Antenne pour comprendre de quoi il s’agit lorsque ce journal parle d’enregistrement magnétique. En effet, la bande magnétique (destinée à remplacer l’enregistrement sur fil) a été mise au point en 1928 en Allemagne et son utilisation a mis longtemps à se développer.
Quant à la cassette magnétique toujours citée par l’Antenne, c’est un grand mystère car elle a été commercialisée par Philips en 1936. De quoi s’agit-il ?
Au plaisir de vous lire
Bien cordialement
Michel