Avant d’être la capitale du Sénégal, Dakar fut celle de l’Afrique occidentale française (AOF). Ce territoire regroupait le Sénégal, le Soudan français (Mali), la Mauritanie, la Côte d’Ivoire, la Haute-Volta (Burkina Faso), le Niger, la Guinée, le Togo et le Dahomey (Bénin) et comptait 15 millions d’habitants. Dakar est avant-guerre un port important, une ville de 100 000 habitants mais côté radio, c’est morne plaine.
Une première initiative d’un radio-club
En 1930 et 1931, il y avait bien eu l’initiative du radio-club local, regroupant quelques passionnés. La station identifiée comme Radio Dakar, sans moyens, émet de 19h15 à 20h trois fois par semaine (mardi, jeudi et samedi) sur ondes courtes avec 800 w. L’initiative tourne court faute de soutien.
L’administration se hâte lentement
Dans les années suivantes, la presse coloniale s’interroge régulièrement sur l’absence de radio pour l’Afrique occidentale française. Paris Mondial, la radio à destination des colonies, n’est pas bien reçue en AOF.
Mais l’argument ne fait pas mouche auprès des autorités. Cependant, la situation internationale inquiétante remue le cocotier dans les ministères parisiens. En novembre 1938, le Gouvernement publie un communiqué : « On mande de Dakar à la date du 14 novembre qu’à la suite d’instructions qui lui ont été adressées par M. Mandel, Ministre des Colonies, le Gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française vient de décider la construction d’un puissant poste de radiophonie sur le territoire de la Fédération. » Où et quand? Mystère. Il faudra une guerre mondiale pour secouer l’administration.
La naissance de Radio-AOF
Le 3 octobre 1939 à 20h15 GMT (19h15 heure locale), une musique militaire se fait entendre sur 8800 kc en ondes courtes. C’est la marche de l’infanterie de marine, indicatif de Radio-AOF. Suivent quelques communiqués, les nouvelles du front (au sens propre) et des disques. L’émission se termine à 21h.
Radio-AOF émet chaque jour de la semaine de 20 à 21 heures. Les émissions débutent par les informations puis par une thématique selon le jour : chants et musique de danse (lundi), disques demandés par les auditeurs (mardi), musique d’opérettes (mercredi), soirée pour les enfants (jeudi), musique classique (vendredi), music-hall (samedi), variétés (dimanche). Les moyens sont limités, les disques sont prêtés par le magasin Majestic Chansons au 31, avenue Roume (aujourd’hui Léopold Sédar Senghor) à Dakar. Les émissions sont en français.
Radio-AOF devient Radio Dakar
Puis vient la débâcle de mai-juin 1940 et l’armistice. L’AOF dépend du Gouvernement de Vichy et de son haut-commissaire zélé, Pierre Brisson. Et la station est débaptisée. Terminé Radio-AOF, voici désormais Radio Dakar. La station relaie la propagande de Vichy et notamment celle de la Légion. Des informations en arabe s’ajoutent au programme. Radio Dakar est mal reçu au delà de la partie occidentale de l’AOF et est souvent brouillée depuis les colonies britanniques. L’Afrique équatoriale française s’est ralliée à la France libre et Radio Brazzaville va gagner la bataille des ondes en Afrique francophone. Après le débarquement allié en Afrique du nord, l’AOF se rallie à son tour.
A la fin de la guerre, la station conserve son nom de Radio Dakar. Elle émet en français mais il y a quelques programmes en wolof, parlé au Sénégal et en Mauritanie. Voici par exemple le programme du 3 février 1948.
Radio Dakar se dédouble
Petit à petit, d’autres langues sont mises à l’antenne. En effet, dès 1951, Radio Dakar teste des émissions destinées à l’ensemble de l’AOF. Courant 1952, la station se scinde en deux programmes, Dakar-Inter pour le Sénégal sur 208 mètres et 25 mètres et Dakar Afrique sur 204 mètres et 31 mètres. Un émetteur de 1 kw est installé à Saint-Louis au nord du Sénégal et propose des programmes locaux sous le nom de Radio Saint-Louis en décrochage de Dakar.
Des émissions en plusieurs langues africaines
Dakar Afrique diffuse en plusieurs langues africaines. Voici la grille de programme de juillet 1952.
Matin. 7h à 7h25, émission en fou. 7h25 à 7h50, en mossi. 7h50 à 8h15, en bioulé.
Midi. 12h30 à 13h45, émission de variétés en français.
Soir. 17h à 17h25, émission en arabe. 17h25 à 17h50, en bambara. 17h50 à 18h15, en mooré. 18h15 à 18h40, en soninké. 18h40 à 19h05, en peul. 19h05 à 19h30, en soussou. 19h30 à 19h45, émission votre disque, présentée en français. 19h45 à 20h10, émission en fon. 20h10 à 20h35, en baoulé. 20h35 à 21h, en wolof. 21h à 22h.30, émission présentée en français.
Photo ci-dessus : des speakers de Dakar-Afrique, Mme Ba (arabe), M. Prudentio (fon), M. Albert Yankey (baoulé), M. Tidjane (bambara)
Photo ci-dessus : Omer Gbaguidi.
La radio se développe
Le 1er août 1955 marque un nouveau tournant pour la radiodiffusion en AOF. Elle est installée dans de vastes locaux avenue de la République (où se trouve aujourd’hui la RTS) et ne dépend plus des PTT mais d’une structure dénommée Radiodiffusion fédérale. La puissance des émetteurs est enfin améliorée. Un émetteur de 25 kw en ondes courtes installé à Rufisque et un ondes moyennes de 4kw porte la chaîne fédérale. La puissance de Dakar-Inter en ondes moyennes grimpe à 10 kw.
Radio Dakar devient Radio Inter-AOF
L’année suivante, la Sofarom (Société de radiodiffusion de la France d’outre-mer) est crée. Elle développe des stations de radio dans les différents territoires de l’AOF. Dakar-Afrique devient Radio Inter-AOF car elle est chargée de servir de tête de réseau à toutes ces nouvelles stations.
Radio Mali puis Radio Sénégal
En avril 1959, la station change de nom pour Radio-Mali suite à création de la Fédération du Mali. Cette dernière éclate en août 1960. Elle devient Radio Sénégal alors que Radio Soudan prend le nom de Radio Mali.
Toujours aussi documenté, toujours aussi intéressant !
Bravo pour ces publications.
Daniel