La Voix de la France, la radio coloniale sur ondes courtes du régime de Vichy

Voix de la France

 

Au cours des premiers mois de 1941, le Gouvernement de Vichy, inquiet des ralliements de colonies à la France libre, souhaite mettre en place un service de radiodiffusion pour l’Empire. L’Etat français a déjà perdu le contrôle de l’Afrique équatoriale française, du Tchad, des Etablissements français de l’Océanie, des comptoirs de l’Inde, de la Nouvelle Calédonie et en juin, les Britanniques et les Français libres ont libéré le Liban et la Syrie.

Après des premiers tests début août, composés d’infos en français et de musique non-stop, c’est le 17 août 1941 que le gouvernement de Vichy, après avoir eu l’autorisation des autorités allemandes, inaugure sur les ondes courtes son service extérieur dénommé La Voix de la France. La rédaction de la radio est tout d’abord logée dans une petite pièce du quatrième étage de l’hôtel britannique (eh oui, drôle d’adresse pour une radio anglophobe), siège du ministère des Colonies. Elle s’installera plus tard dans deux pièces du Cécil-Hôtel, 13 boulevard de Russie, c’est à dire au siège de la Radiodiffusion nationale, à proximité immédiate de l’hôtel du Parc, le coeur du pouvoir. Le studio est aménagé dans un coin (une portion du couloir du deuxième balcon) du casino de Vichy puis le signal est transmis à la station ondes courtes d’Allouis près de Vierzon en zone occupée.

Qui la dirige ?

La création de ce programme international de la radio de Vichy est confiée à Albert Demaison assisté d’Albert Perche. A partir du 21 avril 1942, c’est Léon Broussard, ancien journaliste de la presse quotidienne nationale (L’Intransigeant, Paris-Soir et surtout le Petit Journal) qui prend la suite d’André Demaison quand ce dernier est nommé directeur de la Radiodiffusion nationale.

Voix de la France
André Demaison, fondateur de La Voix de la France devant la carte de répartition des émetteurs.

Quels sont ses programmes ?

La grille des programmes puise dans les émissions de la Radiodiffusion nationale et inversement certaines émissions de La Voix de la France sont reprises sur le réseau de Vichy comme Guerre et diplomatie de Léon Boussard. On y trouve donc :  Au fil des jours, la vie à Paris, une rubrique mode, les revues de presse française et étrangère, des infos culturelles et sportives, une rubrique littéraire (Pierre Humbourg).

Elle a aussi des émissions spécifiques comme La France est toujours vivante (Léon Boussard) ou la chronique hebdomadaire pour les francophones de l’Amérique du Nord (Firmin Roze). Le programme musical est puisé dans les disques du Poste parisien car la discothèque de la radio privée sabordée en juin 1940 a été repliée sur Vichy. En 1943, un reporter de la Radiodiffusion nationale, Pierre Beauvois, prend en charge la direction artistique de la station. Paulette Tossa est la principale animatrice des émissions en français.

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A gauche, M. Diop, ingénieur de prise de son. Au centre, Pierre Beauvois, directeur artistique et Jacques Lesgards, opérateur. En haut à droite, Paulette Tossa en compagnie de Pierre Humbourg. A droite en bas, M. Rasolonbraide, speaker malgache.

En quelles langues ?

La Voix de la France diffuse en français, en annamite (vietnamien), malgache et wolof (Sénégal, Mauritanie). Elle émet également en anglais, en espagnol, en roumain (trois fois par semaine), en portugais (à partir d’octobre 1941).

Quand émet-elle ?

A ses débuts, la station diffuse 8 heures par jour. Le 1er février 1942, La Voix de la France est sur les ondes seize heures par jour  avec 21 émissions, le double que précédemment. Fin 1943, La Voix de la France émet 18 heures par jour sur quatre longueurs d’ondes. La Voix de la France devient aphone quand les Allemands dynamitent les émetteurs d’Allouis lors de leur retraite le 17 août 1944.

Les messages familiaux, vitrine de la station

Début septembre 1941, le poste propose aux Français qui ont des parents dans les colonies ou à l’étranger, de diffuser leurs messages. « Il conviendra d’adresser les communications à M. André Demaison, la Voix de la France, ministère des colonies; les messages ne devront pas dépasser 15 mots en totalité« , souligne un communiqué de Vichy. La radio ondes courtes réalise aussi parfois des émissions spéciales. Comme durant l’hiver 1941, pour les marins retenus en Turquie. Suite à leur évacuation de Beyrouth, quand les Britanniques et les Français libres ont pris la ville, desVdF-77-1 marins se sont retrouvés à Erdek, un port de Turquie. Tous les samedis, une émission spéciale leur est destinée. Une autre s’adresse à partir de mars 1942 à l’Afrique du Sud « aux Français évadés des territoires dissidents ou dont les navires ont été capturés par la flotte anglaise« . Un premier bilan établi par Vichy fait état de 1000 messages pour l’Indochine, 750 pour la Syrie et le Liban, 600 pour l’Afrique équatoriale française, 500 pour les Antilles, 300 pour l’Afrique du Sud.

Voix de la France
Un technicien s’apprête à diffuser les messsages des familles à leurs proches dans les colonies.

En 1942, les messages des familles continuent d’être diffusés. Ils sont plus longs, ce n’est plus quinze mots mais le double. Ils restent cependant contingentés. Ils ne sont pas autorisés pour l’Europe et l’Amérique du Nord. Fin 1942, c’est un message par mois pour l’Extrême-Orient, l’Afrique et Madagascar. Deux pour le Proche-Orient, les Antilles, les Amériques centrale et du Sud. Les messages ne sont plus autorisés pour l’Afrique du Nord où les Alliés ont débarqué début novembre. Le 11 janvier 1943, le couperet tombe : « La direction de la Radiodiffusion nationale porte à la connaissance du public que la Voix de la France n’est plus en mesure de transmettre les messages familiaux à destination de l’Empire et de l’étranger« . Il faut dire que l’Empire Vichy s’est réduit comme peau de chagrin suite au débarquement des Américains en Afrique du Nord, suivi du ralliement de l’Afrique occidentale française.

Voix de la France
M. Bou-Loc, rédacteur indochinois et M. Rajespera, rédacteur malgache.

 

5 Commentaires

  1. Nguyen Phuc Buu Loc (Hué 1914 – Paris 1990), ici qualifié de rédacteur indochinois, était un proche parent de l’empereur du Vietnam Bao Dai, dont il fut chef de cabinet, ministre de l’intérieur, et brièvement Premier ministre en 1954.

    • Bonjour, je suis intéressé par votre commentaire. J’aimerais savoir comment vous en êtes arrivé à la conclusion que la personne mentionnée dans l’article est Nguyễn Phúc Bửu Lộc. Merci beaucoup !

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