Pour la diffusion des résultats de la Loterie, le Poste Parisien décroche le gros lot

Le parleur inconnu
Edmond Dehorter anime le premier tirage pour le Poste Parisien

C’est l’effervescence en France en cet automne 1933. Le gouvernement a décidé de mettre en place une loterie et le premier tirage est fixé au 7 novembre. Elle a pour objectif d’alimenter le budget des retraites des anciens combattants et des aides aux victimes de désastres agricoles. Les deux millions de billets à cent francs ont été mis en vente dès le 19 septembre et les Français se sont rués dessus pour pouvoir espérer décrocher le jackpot, cinq millions de francs. Il y a vingt séries de cent mille numéros et pour les chanceux plusieurs sommes à gagner jusqu’au gros lot.

Une loterie en direct du Trocadéro

le 7 novembre au soir, tout est prêt au théâtre du Trocadéro à Paris pour procéder au tirage de la première tranche. « Dans les sous-sols, dans la salle et à l’extérieur aussi, on a posé des kilomètres de fil électrique, douze lignes téléphoniques spéciales ont été installées, deux sont réservées au service de la radiodiffusion d’Etat, détaille le quotidien Excelsior. L’administration des PTT a placé une dizaine de haut-parleurs, braqués vers les jardins du Trocadéro. Des installations radiophoniques sont également prévues à l’intérieur du musée d’Ethnographie où l’on recevra une partie des spectateurs qui n’auront pu pénétrer dans la salle. On s’attend à voir ce soir, auprès du palais du Trocadéro, une affluence considérable de gens impatients, et la préfecture de police organisera un très important service d’ordre. Le radioreportage sera diffusé par tous les postes; dans la France entière, les porteurs de billets seront à l’écoute, pleins d’espoir jusqu’à la dernière minute, le hasard est si grand… « 

Loterie nationale

Deux retransmissions en direct

Effectivement, les spectateurs sont très nombreux au Trocadéro pour voir le tirage effectué par six mains innocentes qui appuieront sur les boutons des sphères, trois garçons et trois fillettes de l’Assistance publique. Mais dans la France entière, de nombreux auditeurs sont suspendus à leur poste de TSF. Plusieurs stations diffusent l’événement en direct, ponctué de la musique de la Garde républicaine.

Pour le service public, une émission est réalisée par Paris-PTT et reprise sur tous les postes d’Etat, la Tour Eiffel, Radio-Paris (en voie de nationalisation), les radios régionales. Elle est présentée par deux journalistes de l’Intransigeant, Alex Surchamp et Alex Virot.

Du côté des radios privés, le Poste Parisien a prévu d’être en direct à 20h30 puis par intermittence entre un concert de musique de chambre et des disques. A 22h30, la radio du Petit Parisien est complètement en direct pour les lots principaux, le tout animé par le Parleur inconnu, Edmond Dehorter, le roi des reportages sportifs. En province, la radio de Juan-les-Pins diffuse aussi un radioreportage… mais c’est une retransmission de celui de Paris-PTT !

La station de Paris-PTT critiquée

Mais dès le lendemain, les critiques fusent sur la diffusion de la soirée par les radios publiques comme ici dans le journal Aux Ecoutes : « On à pu constater que les radio-reporters furent d’une valeur inégale. Autant la voix de M. Virot fut nette, autant on saisit mal M. Surchamp, qui assumait pourtant la diffusion la plus importante : I’annonce des gros lots. A vrai dire, à part certaine épreuve hippique dont la description fut heureuse, nous sommes obligés de remarquer que les reportages de M. Alex Surchamp ne sont pas toujours très réussis. La rue de Grenelle n’a-t-elle donc pas, parmi ses collaborateurs, des journalistes capables de nous offrir des reportages intéressants?…« 

« Le Parleur Inconnu s’est surpassé »

Le magazine Choisir, spécialisé dans les programmes de radio a fait son comparatif entre les deux programmes. « La cérémonie du Trocadéro était présentée par les deux speakers sous des angles si différents avec des techniques si diverses que ces deux reportages d’une cérémonie unique finissaient par donner deux tableaux : presque opposés, une quasi-tragédie d’un côté, un quasi-vaudeville de l’autre », souligne l’hebdomadaire.

« Au poste officiel on était sérieux, archi-sérieux pour narrer cette manifestation financière organisée par l’Etat. On épelait les numéros on précisait les chiffres et les lettres (…). En écoutant le speaker on avait une impression presque angoissante, celle du sort en marche, de l’espoir et de la désillusion tournant au rythme perceptible des boules de métal. Au Poste Parisien, où nulle officialité commandait le décorum, on avait déchaîné le Parleur Inconnu. Tous les sans-filistes le connaissent : celle fois il s’était surpassé lui même Cette cérémonie lui était un prétexte incomparable à observations blagues et calembredaines. Il s’en donnait à cœur-joie, et les auditeurs aussi.« 

Et la radio gagnante est…

La Loterie nationale semble s’être rangée à cet avis. Car pour la retransmission de la deuxième tranche, le 27 novembre, elle a confié la soirée au seul Poste Parisien. Le 22 novembre, au soir du deuxième tirage, c’est Georges Brisquet et Marcel de Laborderie qui commentent les résultats. Au grand dam des auditeurs du sud qui ne captent pas la station parisienne. En face, le service public a décidé de diffuser sur ses antennes un opéra avant qu’Alex Surchamp n’égrène les numéros gagnants à l’entracte et à la fin de l’opéra Le Prophète.

Désormais, c’est donc le Poste Parisien qui diffuse entièrement les soirées de tirage. Et qui dit radio privée, dit publicité. Et le poste ne s’en prive pas. Le programme est sponsorisé dans un premier temps par les bijoux Fix et à chaque lot, il n’est pas rare d’entendre un commentaire qui indique qu’avec cette somme, l’heureux gagnant pourra acheter tel objet de telle marque.

Et puisque l’on parle publicité, terminons cet article par la chanson de Georgius vantant la Loterie nationale.

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